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Publié le 29/03/2023 - Court-métrage

Du 29 mars au 4 avril

Lucky Man, We Are Become Death et Tu demanderas à ta mère, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 29 mars au 4 avril 2023.

Un homme joue et gagne. Il est euphorique, mais… Autre jeu, autre joueur gagnant. La nature manifeste sa présence. Au final, l’éloge de la lenteur.

Bel univers graphique que celui de Claude Luyet. Ce réalisateur d’animation suisse livre de véritables pépites depuis plusieurs décennies, d’un portrait d’un boxeur – Le carré de lumière – à cette plongée envoûtante qu’est Lucky Man. Il revisite ici le film noir et la figure du serial-killer, en quatre minutes. Une plongée dans le cinéma de genre qui lui réussit totalement.

Les ombres, toujours, caractérisent son univers. Celles du tourment, de l’angoisse ou de la mélancolie. Ici, elles sont réhaussées et magnifiées par un travail savant sur le noir et blanc. Le grain, gras, est ultra graphique et colle à l’univers du film, qu’on imagine situé en Californie, au Texas ou au Nouveau-Mexique. Dans une Amérique fantasmée, en tout cas, avec les villes fictives de Dorkville et San Felice.

L’humour n’est pas en reste, dans ce film taiseux pourtant très sombre, où un heureux gagnant au jeu se voit coupé dans son élan victorieux par un pompiste patibulaire et fatal. Les “36 Hills” – soit 36 collines – du nom de la station vont trouver une résonance particulière avec la réalité du récit. Quant à la pirouette finale, elle emprunte presque au film catastrophe. Bien vu !

Scénario Claude Luyet, Thomas Ott Musique Balz Bachmann Production Studio GDS


Nous savions que le monde ne serait plus le même. Certains rigolaient. D’autres pleuraient. La plupart restaient silencieux.

Belle étape du parcours prolifique de Jean-Gabriel Périot, qui a les honneurs de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en ce mois de juillet 2021 avec son nouveau long métrage documentaire, Retour à Reims (fragments), d’après l’essai autobiographique du philosophe Didier Éribon. Auparavant, ce court métrage détonant de 2014 racontait, en quatre minutes, la vie sur terre et l’humanité, de sa diversité à sa monstruosité.

L’auteur joue judicieusement du montage et du split-screen pour raconter notre globe. La planète bleue, la nature, les éléments, les paysages divers, les climats, les animaux, les espèces, les humains, les expressions, les situations, les âges, l’individu, le collectif, la catastrophe, l’explosion nucléaire, le champignon atomique. Un tour de force de construction narrative, pour signifier les dérives désastreuses de l’intelligence humanoïde.

L’apparition finale du physicien étasunien Robert Oppenheimer (1904-1967), père de la bombe atomique, sonne comme une conclusion prophétique. L’apocalypse a lieu en direct, et son créateur la commente en 1948, effaré par l’horreur découlant de son œuvre, en reprenant les mots du texte hindou du Bhagavad-Gita, extrait du Mahabharata, qui constate notamment : “Maintenant, je suis devenu la mort, le destructeur des mondes”.

Production Local films


  • Tu demanderas à ta mère, de Juliette Allain, devant la projection de Dalva

Rémi, jeune papa, fait des courses avec son meilleur ami Charles et sa fille Suzanne, 6 ans. En pleine phase d’expérimentation, cette dernière se pose beaucoup de questions et Rémi n’est vraiment, vraiment pas prêt à y répondre…
Juliette Allain a le sens de l’humour. Dans sa récente comédie Tu demanderas à ta mère, l’injonction du titre découle du trouble que fait naître une gamine de six ans – presque sept – chez son père, quand elle le confronte à ses questionnements sur le corps et sur la féminité, en plein magasin bio et face à un ami du géniteur. Le dispositif est simple, avec son unité de temps et de lieu, et l’enjeu n’en est que plus saillant.

L’aventure démarre dans la fraîcheur et la couleur, avec un enchaînement de plans en plongée sur des fruits et légumes durant le générique initial. Le ton, vivace, est donné, et annonce la spontanéité de la gamine, qui ne lâche pas le morceau, entre étals et étagères de la boutique. Le film colle aussi à son époque, avec ce choix de décor d’un commerce citadin de produits biologiques et écologiques.

Le jeu avec les genres fait le sel de l’écriture, tant dans les sujets lancés par la fillette (poils, poitrine, tampon hygiénique), dans les jeux de regard (la belle cliente), que dans l’humour des répliques. Le garçon en caisse lance ainsi un “Avec les compliments de la caissière”, une fois le règlement effectué, en réponse à la “caissière” évoquée un peu plus tôt dans le récit par les deux amis incarnés par Pablo Pauly et Bastien Bouillon.

Scénario Juliette Allain, Paul Morin Interprétation Tamara Al Saadi, Bastien Bouillon, Martin Darondeau, Luna Di Pierro, Pablo Pauly

L’Extra Court