Iwan et le loup, Un petit homme et Feux, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 24 au 30 janvier 2024.
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Iwan et le loup, de Anna Levinson, devant les projections de Vivre avec les loups
Pour devenir adulte, Iwan doit faire preuve de son courage et partir seul en forêt chasser un loup. Mais que faire s’il devient ami avec le loup ?
Voici un savoureux conte venu d’Allemagne et de l’Université du cinéma de Babelsberg. Il est signé par la réalisatrice Anna Levinson, et respecte dès son ouverture les codes du genre : “Il était une fois…”
Le récit initiatique bat son plein avec l’histoire d’un petit garçon qui n’échappe pas aux traditions de son village et de sa communauté : pour devenir un homme, il faut abattre un loup dans les bois.
Tout le sel de l’aventure vient de ce que les choses ne se passent évidemment pas comme prévu. L’idée de désamorcer la peur est ingénieuse, tout comme le déboulonnage de la suprématie de l’homme sur l’animal. L’ambiance est ici à l’échange, à la bienveillance et à la complicité. “Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué”, dit le proverbe, à qui la chute du film fait un beau lifting !
C’est la comédie qui l’emporte, au son de l’accordéon qui accompagne la piste musicale. Après l’effort vient le réconfort, et la balade en forêt débouchera sur un joyeux banquet. L’enfance n’a jamais dit son dernier mot et va apprendre, via une alliance “inter-espèces”, à mener la danse. Cette facétie brille par ses traits simples et joyeux, ses couleurs vives et sa simplicité lumineuse.
Scénario Anna Levinson Production hochschule für film und fernsehen Konrad Wolf
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Un petit homme, de Aude David et Mikaël Gaudin, devant les projections de May December et Le dernier des juifs
Complexé par la silhouette de sa femme, un homme lui administre sournoisement un mystérieux sérum censé la faire maigrir rapidement. Mais à la suite d’une farce de sa femme, c’est lui qui avale le breuvage et se met à rétrécir à vue d’œil.
Minutieux travail en noir et blanc que cette animation créée sur ordinateur par le duo formé par Aude David et Mikaël Gaudin. La poésie rétro nourrit aussi ce film adapté de l’éponyme nouvelle de l’auteur russe Fiodor Sologoub (1863-1927). Où il est question de la misogynie et de la bassesse d’un fonctionnaire désirant réduire sa femme à sa propre taille, en la faisant rapetisser et maigrir.
Oui, la femme fait de l’ombre à son homme, alors la publicité fait son travail. Avec le sirop Barlou, affiché sur tous les murs, le petit bonhomme va sévir. Sauf que sa compagne a de l’instinct… Et l’esprit blagueur ! Un humour corrosif explose dans ces dix minutes où l’image est presque mousseuse. Les ombres règnent autant que ce qui claque en toute lumière. L’ambiance du début du XXe siècle émerveille, entre grisaille urbaine et société de consommation alors en plein essor.
Comme dans les contes, toute recommandation est énoncée pour mieux être outrepassée. D’une chronique sociale, l’aventure vire au fantastique, jusqu’à des pointes de burlesque empruntées au genre de l’époque, en littérature comme au cinéma. La poésie circassienne débarque aussi quand l’anormalité vire à la monstruosité. L’échappée reste possible, et céleste peut-être…
Scénario Aude David, Mikaël Gaudin Musique Wissam Hojeij Production La Belle Affaire
Karun, un chien errant, lutte pour survivre dans le chaos provoqué par la sécheresse.
Feux est une fable fascinante signée du réalisateur d’origine iranienne Mohammad Babakoohi. Passé notamment par l’école des Gobelins, où il a cosigné Dogs, déjà centré sur des héros canidés, il réussit aujourd’hui cette parabole prenante. Une chronique d’anticipation réaliste, avec sa chaleur suffocante, sa sécheresse étourdissante, en plein réchauffement climatique sur la planète.
La technique d’animation par peinture happe le regard. Les nappes de couleurs sont somptueuses, pourtant dédiées à un monde cruel et implacable. Ville en feu, émeutes, aboiements, répression, chasse au chien : c’est le chaos total, et une vision d’apocalypse, sans espoir, malgré le rêve canin d’un mirage rafraîchissant et apaisant.
La portée politique transcende aussi ce récit écologique et métaphorique, via l’animal. Car il s’agit bien d’une intrigue basée en Iran, dans un monde voué à l’étouffement du cri et de la survie, à un moment où le peuple iranien se révolte, et lutte pour exprimer sa soif de liberté. L’art est ici un mode d’expression salutaire, à travers lequel Mohammad Babakoohi chante son pays et le monde.
Musique Pierre Oberkampf Production La Poudrière