BusLine35A, Métacinéma appliqué et We Are Winning Don’t Forget, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 11 au 17 octobre 2023.
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BusLine35A, d’Elena Felici, devant les projections de Le Consentement et Le Ravissement
Un bus, trois passagers et une situation sur le siège arrière à laquelle ils ne parviennent pas à se confronter.
Elena Felici frappe fort avec Busline35A. Elle réussit en cinq minutes à raconter une scène de prédation sexuelle dans la forme inventive et créée de toute pièce du cinéma d’animation. De la simplicité narrative, mais une grande richesse artistique : unité de lieu et d’action – un bus, un soir tombé, cinq personnes assises, et un conducteur ou conductrice hors champ. Et puis le drame, si monstrueusement ordinaire.
En transcendant le réel par son style animé, le réalisme de la situation décrite s’en trouve décuplé. L’étouffement grandit au fur et à mesure que l’agression verbale et proxémique avance, et que l’indifférence des passagères et passager alentour s’exprime par de savants portraits et un chapitrage personnalisé : la vieille dame, le vieil homme et la femme entre deux âges.
Les pensées intérieures des témoins reflètent d’autant plus l’ignominie de l’agression à l’arrière, que les personnages semblent s’y engouffrer par déni et pour s’empêcher d’intervenir. Cette pépite danoise raconte comment la peur fige les corps et active les esprits. Et comment le cynisme collectif empêche la défense, la solidarité, la protection. Implacable autant que brillant.
Scénario Elena Felici Musique Rasmus Bøgelund, Uri Kranot Production The Animation Workshop
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Métacinéma appliqué, de Luis Nieto, devant les projections de La fiancée du poète
Il n’y a pas encore de travail de Meta cinéma appliquée. Il fallait donc donner le pas aux problèmes de méthode. Pour cela j’ai préféré choisir un objet aussi « pur » que possible à analyser, c’est-à-dire reposant sur une seule « substance ».
Ovni total que cette proposition cinématographique délirante d’un peu moins de quatre minutes. Le public navigue entre divagation burlesque et poésie surréaliste. Comme si Chaplin rencontrait Luis Buñuel, ou que Georges Méliès croisait Yórgos Lánthimos. Luis Nieto s’amuse, une fois encore, comme un petit fou à créer un univers fantasmagorique. Avec peu de moyens, mais beaucoup d’imagination, sa fantaisie prend vie.
Un savant prolixe, aux ongles vernis, fait une conférence face caméra, comme s’il s’adressait à un public venu assister à une démonstration. Dans le décor d’un intérieur baroque à la sculpture lyrique, il fait son exposé-expérience par l’intermédiaire d’un micro posé un piano. L’objet réceptacle s’avère un chat obèse, dont il rase une mini surface de peau, qui va servir de scène vivante à un concert improvisé.
Trois puces peuvent alors s’approcher chacune d’un micro microscopique et entamer une mélodie rythmique, dont l’harmonie chorale va fonctionner harmonieusement. Le plan large va céder la place à une série de gros et très gros plans sur les bébêtes, en mode stroboscopique déchaîné, vers du psychédélique débridé. En bref, une partition inattendue, un film comme nul autre pareil. Un très court métrage bien allumé !
Musique Juan Pablo Carreno
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We Are Winning Don’t Forget, de Jean-Gabriel Périot, devant les projections de Lost Country
Le travail est un droit, sa représentation une valeur ; l’absence de droits déclenche des exclamations, des confrontations, des frictions. La lutte des classes est toujours bien présente, plus que jamais, et elle s’organise…
We Are Winning Don’t forget est un film en quatre chapitres et mille deux cents photos. Une succession de portraits de travailleurs défile, ces portraits sont individuels puis collectifs, la musique douce illustre l’album d’une grande famille internationale. Une nouvelle série de portraits apparaît, poignées de mains et médailles… Une guitare électrique durcit le ton. Image noire. Nouvelle série de photos, grèves et manifestations pacifistes. La musique devient plus rapide, les défilés s’organisent, sourires et poings en l’air. La quatrième et dernière série de photos saisit la confrontation, l’affrontement. La police est féroce, les sourires se transforment en larmes. Les dernières images sont celles d’un autre film : Carlo Guiliani Ragazzo de Francesca Comencini, l’histoire de ce jeune manifestant assassiné par la police italienne le 20 juillet 2001 lors de la manifestation anti-mondialiste de Gênes. We Are Winning Don’t forget est un film éclair et engagé, on peut lui reprocher le trop plein de sa démonstration, mais on en sort exalté. Les résistances s’organisent et elles sont multiples.
Scénario Jean-Gabriel Périot Production Envie de tempête productions