Breaking the Thermometer, le dernier album de Leyla McCalla est en écoute au Cinéma Atlantic du 17 août au 6 septembre 2022.
- Leyla McCalla explore l’héritage de Radio Haïti – la première station de radio à réaliser des reportages en kreyòl haïtien – rendant hommages aux journalistes qui ont risqué et perdu leur vie pour diffuser la voix du peuple pendant cinquante ans.
Il y a plus de questions que de réponses sur ce nouvel album de Leyla McCalla. A quoi ressemble la démocratie ? Qui est concerné ? Combien de temps peut-elle durer ? Combinant des compositions originales et des airs traditionnels haïtiens avec des émissions historiques de Radio Haïti et des interviews contemporaines, ce remarquable album de Leyla McCalla propose un voyage sonore et immersif, à travers un demi-siècle de troubles raciaux, sociaux et politiques.
Les performances de Leyla McCalla sont captivantes, alimentées par un travail mélodique sophistiqué sur des rythmes afro-caribéens. La juxtaposition des voix – anglaise et kreyòl, personnelle et politique, anecdotique et journalistique – est tout aussi fascinante, ressuscitant les morts tout en mettant en lumière l’esprit endurant du peuple haïtien.
« Plus je faisais des recherches sur ce projet, plus je me retrouvais à examiner ma propre relation à Haïti. J’ai passé beaucoup de temps à me remémorer mes visites en Haïti quand j’étais enfant, à réfléchir profondément aux moments de ma vie où je me sentais très haïtienne et aux moments où je ne l’étais pas. En fin de compte, la musique et les histoires ici m’ont toutes amenées à une compréhension plus nuancée du pays et de moi-même.”
Leyla McCalla n’est pas seulement une observatrice détachée ; elle écrit avec beaucoup de perspicacité et d’introspection, aux prises avec la mémoire, l’identité et ses propres expériences en tant que femme haïtienne-américaine, démêlant des couches de marginalisation et des générations de répression et de résolution, à la recherche d’une vision plus claire d’elle-même et de son rôle en tant qu’artiste. Le résultat est à la fois une œuvre et une performance artistique radicales, un savoir historique mêlé de mémoires personnels, une méditation vaste et puissante sur la famille, la démocratie et la liberté d’expression, qui n’aurait pas pu arriver à un moment plus opportun.
“Haïti a toujours été considérée comme un endroit lointain. Mais nous sommes beaucoup plus connectés en tant qu’américains que nous ne le pensons. Haïti a été la première nation noire indépendante de l’hémisphère occidental. Son existence même était et reste une menace pour la puissance coloniale. En même temps, le pays symbolise l’injustice et l’oppression dans le monde. Quand on parle de Black Lives Matter, Haïti représente aussi ce mouvement.”
Née à New York d’un couple d’émigrants et de militants haïtiens, Leyla McCalla a développé une fascination précoce pour Haïti et sa culture, en partie grâce au temps qu’elle a passé chez sa grand-mère lorsqu’elle était enfant. Après avoir déménagé au Ghana pendant deux ans et obtenu plus tard son diplôme, elle a finalement dérivé vers le sud jusqu’à la Nouvelle-Orléans, où elle voulait gagner sa vie en jouant du violoncelle dans les rues du quartier français.
Son insistance à éclairer les racines noires de la culture américaine l’a finalement conduite à faire partie des Carolina Chocolate Drops. Après deux ans de tournée et d’enregistrement avec le groupe lauréat d’un Grammy Award, elle part poursuivre sa propre carrière en tant qu’artiste solo. En 2014, elle suscite un engouement considérable avec son premier album salué par la critique, “Vari-Colored Songs: A Tribute to Langston Hughes”, acclamé par le New York Times et la presse Outre-Atlantique. Deux autres albums tout autant célébrés ont suivi, “A Day For The Hunter, A Day For The Prey” (2016) et “Capitalist Blues” (2019), suscitant des critiques toujours plus élogieuses. En 2019 elle rejoint Our Native Daughters, un projet collaboratif mettant en vedette Rhiannon Giddens, Amythyst Kiah et Allison Russell.
C’est entre ces sorties d’albums et les tournées internationales que Leyla McCalla est approchée pour la première fois par la Duke University de Durham, en Caroline du Nord, pour explorer les archives de Radio Haïti. Elle a commencé à faire des recherches à la Duke University, parcourant d’innombrables heures d’émissions avec l’aide d’archivistes et d’experts. Ce qu’elle a découvert, c’est l’histoire extraordinaire d’une station de radio qui a résisté aux régimes gouvernementaux oppressifs et à la censure politique afin de diffuser des informations, des commentaires et du journalisme d’investigation, à une époque où cela avait des conséquences mortelles. Grâce au soutien et aux encouragements de Michèle Montas, la veuve du fondateur de Radio Haïti Jean Dominique, Leyla commence à travailler sur une pièce de théâtre, incorporant des performances musicales à de la danse, de la vidéo et des archives. Sur scène, elle alterne entre le violoncelle et le banjo accompagnée d’un percussionniste. Puis elle aspire à des arrangements plus complets avec son groupe, et se met à enregistrer ce qui va devenir l’album avec le producteur et ingénieur Kevin Ratterman (Preservation Hall Jazz Band, My Morning Jacket) à Los Angeles.
« L’album fonctionne comme une bande sonore étoffée pour l’œuvre théâtrale », explique Leyla McCalla. « La conception sonore et certaines des pièces d’archives sont différentes, mais une grande partie de ce que vous entendez est tirée de mes expériences de création. »
Le mélange de performances musicales et de spoken word préfigure une grande partie de l’album. Bien que le disque soit gorgé de colère, il contient aussi beaucoup de beauté douce-amère. Leyla McCalla n’a pas écrit “Breaking The Thermometer” pour répondre à nos questions à propos de la démocratie ; elle l’a écrit pour questionner nos réponses.
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