Erebeta et Wrapped, deux courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 5 au 11 août 2020.
- Erebeta, de François Vogel, devant les projections de L’infirmière et Lucky Strike
Erebeta nous emporte dans un saut vertical au dessus de la ville. Nous ricochons sur la chaussée, tournoyons autour des immeubles et traversons les rues de part en part. Ce point de vue rebondissant sur le Japon moderne est accompagné par la musique traditionnelle du Kuroda Bushi.
François Vogel occupe au sein de la production expérimentale française un statut assez unique, apparaissant à la fois comme un électron libre et un poète excentrique, qui triture l’image pour mieux conformer le monde à sa propre vision, en l’arpentant en tous les sens. Noirmoutier, Montmartre, New York, São Paulo ou Dubaï sont ainsi déjà passés par la moulinette de sa caméra, ou plus justement de son appareil-photo numérique, et surtout de son travail d’animation savamment orchestré en post-production. Cette fois, c’est Tokyo et sa géographie qui sont, à travers Erebeta, visitées et réinventées avec une ludique subjectivité qui modifie le présupposé de nos regards. On croyait tout connaître de cette mégapole tentaculaire où se pressent, au fond des rues surplombées d’imposants buildings, des hommes-fourmis. Vogel en offre sa propre relecture en recourant non seulement à des zooms et à des mouvements ascendants ou descendants (“erebeta” signifie ascenseur en japonais), mais surtout à ses emblématiques distorsions picturales qui font prendre un tout autre visage à des tableaux urbains d’autant plus insolites que la neige s’y invite par instants.
Bien sûr, l’utilisation d’une musique traditionnelle, ce kuroda bushi que les admirateurs du cinéma d’Ozu ou de Mizoguchi connaissent bien, imprime un tempo particulier et hypnotique à cette expérimentation visuelle présentée en 2019 dans la section Labo du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, à mille lieues du Pays du soleil levant.
Scénario François Vogel Musique Kuroda Bushi Production Drosofilms
- Wrapped, de Roman Kälin, Falko Paeper et Florian Wittmann, devant les projections de Greenland – Le dernier refuge et La Haine
A New York, la nature reprend ses droits sur la jungle de béton.
Wrapped débute sur un plan époustouflant – et incroyablement intrigant – dont le point de vue se meut à grande vitesse depuis l’intérieur d’un organisme. Là se développe un élément végétal, que l’on imagine envahir irrémédiablement une veine ou une artère… Où donc le spectateur est-il ainsi immergé ? À l’intérieur d’un être vivant ? Film d’école de l’Académie du film du Bade-Wurtemberg, Wrapped manie d’emblée l’image de synthèse 3D avec maestria, avant de parodier les films-catastrophe les plus spectaculaires. Le spectateur est projeté dans une sorte de time-lapse, cet effet technique obtenu image par image et jouant sur une accélération extrême de durées beaucoup plus longues. La richesse thématique du film joue à la fois la carte du message écologique – et si la nature reprenait ses droits sur l’une des plus grandes mégapoles du monde civilisé ? – tout en interrogeant notre propre rapport à l’image, à travers des réminiscences de ce que nous avons tous vu sur nos écrans le 11 septembre 2001.
Wrapped est donc beaucoup plus qu’un simple exercice de style, au-delà de son impeccable exécution, musique symphonique hollywoodienne et pirouette finale à l’appui. Une astuce qui ouvre à une dimension supplémentaire, celle de la métaphysique du cycle, présente dans de nombreuses philosophies tout au long de l’histoire du monde : toute fin est semble-t-il le début d’autre chose…
Musique Stefan Wiedmer Production Filmakademie Baden-Württemberg