Cell 364, No et L’augmentation, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 16 au 22 novembre 2022.
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Cell 364, de Mathilde Babo et Zoé Rossion, devant les projections de Les repentis
Alors que l’Allemagne fait figure de modèle démocratique, un ancien détenu de la Stasi nous livre depuis son ancienne cellule un témoignage glaçant qui questionne la pérennité de nos démocraties contemporaines.
Puissante histoire que celle de ce documentaire de quatre minutes, coproduit par l’Allemagne et la France, et cosigné des réalisatrices Mathilde Babo et Zoé Rossion. Le film se base sur la véritable biographie de Hans-Jochen Scheidler, né en Pologne en 1943. Celui-ci fut arrêté par la Stasi, police politique de la RDA, à 25 ans, le 23 avril 1968, pour distribution clandestine de tracts dénonçant la répression sanglante du Printemps de Prague en République socialiste tchécoslovaque.
Sa voix de 2020 accompagne le film en commentaire audio. Il raconte son vécu et ses souvenirs de la prison berlinoise, devenue aujourd’hui le Mémorial de Hohenschönhausen, dans le quartier de Lichtenberg. La caméra arpente cellules, couloirs, cours, murs, façades, miradors et barbelés carcéraux. Le montage alterne les images fixes et les mouvements, les gros plans sur des détails et les plans larges sur l’édifice.
Les sons additionnels ajoutent de la tension à l’immersion globale. L’évocation du passé résonne aussi avec l’actualité tragique du monde. Le devoir de mémoire fait son œuvre, pour ne jamais oublier, et continuer de résister aux tortures de l’isolement. “Qui dort dans une démocratie se réveille dans une dictature”, rappelle au final le protagoniste.
Production Salaud Morisset SASU
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No, de Abbas Kiarostami, devant les projections de Les amandiers
Lors d’un casting, une fillette apprend qu’elle doit se couper les cheveux pour obtenir le rôle.
Le regretté grand maître du cinéma iranien a toujours aimé alterner formats et durées. Abbas Kiarostami (1940-2016) a ainsi abreuvé ses presque cinquante ans de cinéma de films variés, donc ce méconnu No illustre la rafraîchissante curiosité. Huit minutes suffisent à installer son univers, fait de jeu entre le réel et la fiction, entre la captation documentaire et la mise en scène pure.
Produite par la Cinémathèque française, cette séance de casting en Italie joue avec la manipulation propre au Septième Art. Une première gamine âgée de quatre ans, Rebecca, répond poliment aux questions et résiste à la tentative d’instrumentalisation adulte, avant de céder la place à une série de plans rapides sur d’autres fillettes et leurs “non” enchaînés. Gros plans et regards caméras rivalisent de malice avec la grammaire de la réalisation.
Le film est aussi une ode à la féminité, à travers ces différents visages et cette jeunesse anonyme, à la portée universelle. L’aventure s’achève sur des chevelures au vent et célèbre la liberté en bord de mer. Une vraie portée politique, de la part d’un cinéaste issu d’une nation où la loi étatique force les femmes à se couvrir les cheveux en public et en extérieur, afin de ne pas attirer les regards.
Production Zadig Productions, La cinémathèque française
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L’augmentation, de Régis Granet, devant les projections de Les femmes du square et Riposte féministe
Lors de son entretien annuel avec son manager, une jeune femme comprend qu’une fois de plus, elle n’aura pas d’augmentation de salaire cette année.
Récompensé par le prix d’interprétation féminine au dernier Nikon Film Festival, en avril 2022, L’augmentation offre une partition en or à l’actrice Delphine Théodore. Le fil dramatique permet en effet à son personnage de sortir progressivement de ses gonds et à son interprète de livrer une véritable performance. Du travail savamment dosé, sous la houlette du réalisateur Régis Granet.
Cette courte chronique en unité de lieu, de temps et d’action repose sur un face-à-face décapant entre un manager et l’une de ses employés. Un fameux entretien d’évaluation annuel, où chaque partie est censée s’exprimer librement pour faire avancer harmonieusement l’entreprise. Sauf que… le supérieur bloque le dialogue d’entrée de jeu. Et que son interlocutrice rebondit de manière imprévue.
Ce film raconte le cynisme et la pression au travail, et la chappe qui explose en une logorrhée cathartique. Énumérant tous les rêves qui lui viennent spontanément, quand son patron n’attend qu’une réponse passive, la victime d’écrasement renverse la vapeur. La question de l’augmentation de salaire soulève une rébellion qui soulage finalement la protagoniste autant que le public !
Scénario Régis Granet Interprétation Antoine Levannier, Delphine Théodore