Katvoman, Our Uniform et Bergie, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 13 au 19 mars 2024.
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Katvoman, de Hadi Sheibani, devant les projections de La nouvelle femme et Il reste encore demain
Une mère et son fils jouent au jeu Catwoman-Batman avant que le père ne rentre. Pendant ce temps, des bruits et des cris se font entendre de la porte d’à côté ; il semble que qu’un homme ait blessé sa femme. Il est temps pour le père de jouer un rôle dans le jeu avant que le fils ne découvre ce qu’il a fait.
Le monteur iranien Hadi Sheibani passe à la réalisation avec Katvoman, plaidoyer sans appel contre les violences faites aux femmes, y compris conjugales. Dans une société corsetée par l’écrasement du féminin – et dans un monde patriarcal de domination, marqué par les féminicides –, le cinéaste frappe de manière forte.
De l’intérieur, il pénètre dans l’intimité d’un appartement pour mieux raconter au plus près de sa protagoniste. La symbolique de la super-héroïne fonctionne parfaitement pour témoigner de la dichotomie entre élargissement de la parole, depuis #MeToo, et effroyable fatalité de la violence quotidienne. Le masque attise le regard, mais dissimule aussi ce qu’il peut cacher : un visage, une peau, une marque, un coup. Si Catwoman est connue pour sortir ses griffes, ici elle se montre et cache autre chose.
La bonne idée du récit est de mettre en relief une violence domestique par la présence sonore envahissante d’une autre violence en cours dans l’appartement mitoyen. Les contradictions explosent et n’en révèlent que plus fortement l’âpre réalité chez soi. Du jeu initial avec l’enfant, on passe à la révélation finale sans équivoque. Tout n’est pas un jeu, même quand on essaie de préserver un enfant…
Scénario Hadi Sheibani Interprétation Amir Ahmad Sadeghzadeh, Esmaeil Ghasemi, Sepideh Mozaheb
- Our Uniform, de Yegane Moghaddamn, devant les projections de Chroniques de Téhéran
Une jeune fille iranienne déroule ses souvenirs d’école en parcourant les plis et les tissus de son vieil uniforme. Elle admet qu’elle n’est rien d’autre qu’une femme et explore les racines de cette idée dans ses années d’école. Ce film est une satire sociale des conventions vestimentaires imposées aux jeunes enfants.
Création originale que ce récit de sept minutes en animation où la confession vocale d’une adolescente iranienne devient le terrain de jeu d’un ballet textile. Tissus et accessoires de couture se succèdent dans une farandole de représentations métaphoriques. Une illustration du quotidien d’écolières en Iran et de la façon de gérer l’uniforme obligatoire, son apparence et la décence soumise à la Loi.
Le travail de dessins sur cellulo est savant. Il illustre une compilation d’histoires vraies, dont l’imbrication s’avère un puissant témoignage, qui peut voyager plus librement que les citoyennes de la nation dépeinte. La sublimation par l’animation permet aussi d’atteindre à l’universel par le symbolique, sans visage, mais avec une voix off qui accompagne les images.
La portée politique n’empêche pas de passer par des pantalons, des voiles, des rubans, des poches, des fermetures éclair et des épingles de sûreté. Toujours en mouvement, la danse des accessoires chante un pays où les femmes doivent cacher leur chevelure, mais où l’apparition d’une mèche peut être une vraie coquetterie, et un enjeu de contre-pouvoir. Du bon usage du hijab !
Musique Hossam Ramzy, Tedstone Michael
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Bergie, de Dian Weys, devant les projections de Scandaleusement vôtre
Un agent des forces de l’ordre doit expulser des sans-abri pour faire place à une course à pied de 10 km.
Le plan-séquence est à l’honneur dans ce film court de sept minutes, dont l’action se situe sur le trottoir d’une avenue passante d’une ville d’Afrique du Sud. Différentes trames narratives y entrent en collision. Un marathon sportif est sur le point de passer. Des sans-abris y ont élu lieu de séjour. Un policier va devoir y centraliser les enjeux contradictoires. C’est lui qui sert de vecteur au récit filmique.
Le tour de force vient de l’unité de plan et de mouvement, principalement collé au protagoniste. Il va et vient d’une personne ou d’un objet à l’autre, cherchant à maîtriser la situation, entre le prévu et l’imprévu. La narration joue des dilemmes successifs, et des antagonismes entre les différents personnages. Chacune et chacun a son objectif, pressé par l’urgence de la situation.
Dian Weys raconte le monde, sa dureté, sa précarité, son absurdité. La ville y sert d’écrin à la représentation d’une humanité chahutée. C’est là que les contrastes sont les plus criants, et que la vitesse affronte l’inertie. Le tout, saisi par l’impact des images immédiates, via l’adolescent qui filme avec son téléphone, lui-même saisi par la caméra de la fiction à laquelle nous assistons.
Scénario Dian Weys Interprétation Dean Balie, Nicolas Hanekom, Robert Hindley, David Isaacs, Earl Kruger Production Stranger Film