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Publié le 13/04/2022 - Court-métrage

Du 13 au 19 avril

La marche de Paris à Brest, Maestro, et Black blanc beur, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 13 au 19 avril 2022.

  • La marche de Paris à Brest, de Vincent Le Port, devant les projections de Belfast et Seule la terre est éternelle

En 1927, le cinéaste Oskar Fischinger parcourut pendant trois semaines les routes secondaires entre Munich et Berlin, filmant image par image les gens qu’il rencontrait sur le chemin et les lieux qu’il traversait. En 2020, Vincent Le Port a reproduit ce geste au cours d’une marche d’un mois entre Paris et Brest.

Vincent Le Port a filmé ce court métrage épatant entre les deux confinements de 2020, après avoir réalisé son premier long métrage Bruno Reidal, confession d’un meurtrier découvert à la 60e Semaine de la critique en 2021 (et distribué en salles à partir du 23 mars 2022). C’est donc au début de l’automne, entre le 7 octobre et le 5 novembre 2020 précisément, qu’il a parcouru avec une caméra une partie de la France du nord-ouest, de la capitale à la pointe bretonne.

C’est un projet unique, singulier et réjouissant. Le cinéaste, toujours à l’œuvre sur des envies décalées, a décidé en effet de rendre hommage à un pionnier, en faisant lui aussi un chemin filmé entre deux villes de son pays, comme le réalisateur allemand Oskar Fischinger le fit à pied en 1927. Le court en question, d’une durée de trois minutes, s’intitulait München-Berlin Wanderung, littéralement “Randonnée Munich-Berlin”, et fait partie de l’abondante filmographie de cet auteur germanique largement méconnu.

Le résultat n’a donc rien à voir avec le Paris-Brest, cette fameuse pâtisserie française, mais s’avère être un passionnant enchaînement d’instantanés en plans fixes, en mode muet et noir et blanc. Visages, villages, routes, chemins, nature, végétaux, animaux, ciel, terre, eau, feu, clochers, immeubles, éoliennes, rails, ponts défilent, jusqu’à l’océan final. Un pan de notre monde évoqué en six minutes, au son d’une musique ritournelle discrète et obsédante signée Mind Over Mirrors : Restore & Slip.

Production Stank


  • Maestro, de Illogic., devant les projections de A l’ombre des filles

Au milieu d’une forêt, une troupe d’animaux sauvages se lance dans un opéra nocturne mené par un écureuil.

Ce petit prodige d’une minute et quarante secondes est dû à cinq talents à la réalisation et à la création, réunis sous le pseudonyme d’Illogic. Florian Babikian, Victor Caire, Théophile Dufresne, Gabriel Grapperon et Lucas Navarro avaient fait le tour du monde deux ans plus tôt, avec également Vincent Bayoux, grâce à Garden Party, autre fable au brio décapant, nommée à l’Oscar du meilleur court métrage d’animation en 2018.

Ici, ils chantent la nature dans un travail d’orfèvrerie en 3D. On se souvient des grenouilles barbotant et croassant dans la piscine de la villa morbide du film précédent. Aujourd’hui, le ton est à la réjouissance et à l’harmonie générale. Éléments naturels, végétaux et espèces animales s’accordent au diapason pour un moment unique : un concert soudain et éphémère en pleine forêt. Un moment de grâce suspendue.

C’est le mouvement Squilla il bronzo del dio, contenu dans l’Acte II de l’opéra Norma de Vincenzo Bellini, créé en 1831, qui réunit le chœur de bébêtes. Un écureuil orchestre les voix tenues par des oiseaux, hérissons, crapauds, tortues et poissons, sous le regard d’un cerf. Le travail esthétique épate, et le rendu des plumages, pelages et écailles au clair de lune, entre branchages et reflets aquatiques, est prodigieux.

Production Bloom Pictures


  • Black blanc beur, de Prïncia Car et Matthieu Ponchel, devant les projections de Allons enfants

Oh mon frère tu vois pas que j’y suis pas dans Black Blanc Beur ?

Le duo formé par Prïncia Car et Matthieu Ponchel livre ici un film ultra court. Efficacité, punch, humour, engagement : le menu est riche malgré la durée ramassée. L’heure est à la revendication, avec l’entrée en matière sur un jeune aux racines asiatiques, qui s’estime floué et même invisibilisé par le slogan black-blanc-beur. C’est donc l’histoire d’une revanche.

Le gros plan en noir et blanc sur ce visage de garçon derrière un grillage évolue vers le groupe, et le féminin, tout en passant aux images en couleur et, progressivement, du format carré au rectangle large. Il est question de corps – et de faire corps ensemble – dans ce récit sur la jeunesse, l’inclusion, et l’appropriation de chacun et chacune. Se faire sa place et exister équitablement devient l’enjeu.

Comme dans une “battle”, les personnages s’affrontent : par le verbe, puis par le sport. La frustration, la colère et la provocation vont finalement déboucher sur un terrain d’entente, basé sur l’acceptation et sur la reconnaissance. Se faire entendre et se sentir moins seul(e) ouvre la porte au positif. Et le féminin gagne enfin le slogan central.

Interprétation Matthieu Ponchel

L’Extra Court