Cloud Pradise, Father to Son et Medeia, trois courts-métrages à découvrir dans votre cinéma du 14 au 20 août 2024.
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Cloud Paradise, de Roger Gafari et Laura Ghazal, devant les projections de La mélancolie et Highway 65
Rien ne va plus entre Matteo et Rima. Heureusement, celle-ci peut se confier à son amie Julie, éternellement là pour elle…
Surprenante chronique que ce Cloud Paradise. Ce qui s’annonçait comme une radiographie de couple en appartement, ou comme le portrait d’une jeune femme en plein questionnement existentiel, débouche sur un tout autre point de vue. C’est un regard poussé à l’extrême sur notre monde de stockage de données et d’avatars, débouchant sur des possibilités infinies, qui repoussent les limites connues.
En moins de deux minutes cinquante, Laura Ghazal et Roger Gafari installent en douceur un humour noir confondant. Un monde où les vivants soulageraient leur deuil (ou pas !) en ayant accès aux défunts, en mode confidence et conseil virtuels. Une dérive de la société technologique, qui charge les êtres de comptes multiples et de palliatifs aux frustrations diverses.
La chute narrative s’avère ici une concrétisation parfaite à l’univers idéalisé. Pirouette de récit qui permet au spectateur de comprendre encore mieux le comment de cette prouesse digitale. C’est aussi une trouvaille d’une ironie implacable, pour solutionner l’éloignement amoureux et couper court à la discorde. La solution policée amuse, mais fait aussi froid dans le dos !
Scénario Roger Gafari, Laura Ghazal Interprétation Cindy Féroc, Régis Lionti, Saïd Shéraze
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Father to Son, de Thomas Stokmans, devant les projections de Le roman de Jim
Un jeune garçon rend visite à son père dont il s’est éloigné. Ensemble, ils entreprennent un voyage au bout de la nuit.
Ambiance taiseuse garantie avec cette chronique néerlandaise. La solitude et le silence envahissent progressivement l’écran de ces sept minutes d’un duo pas comme les autres. Singulier et banal à la fois. Un père, un fils. Et une incommunicabilité extrême par le langage. Les regards, les gestes et la proximité fonctionnent alors à maximum pour signifier ce que les mots ne font pas.
Father to Son résonne avec l’histoire du cinéma voisin qui filme des pères et leurs fistons, du Ordet danois de Carl Theodor Dreyer à La promesse belge des frères Dardenne. La mise en scène de Thomas Stokmans est elle aussi intense par la manière dont elle embrasse le décor et enserre les visages et les corps. Les regards sont chargés de la difficulté à partager, mais aussi de l’attachement viscéral.
Le lien se fait par le jazz et par l’instrument de musique, que le paternel pratique et que l’enfant écoute. Le concert, le trajet pour y aller, sont autant de moments de partage, qui permettent au duo de se rapprocher. Le plan ultime marque, soudain empreint de tendresse, enfin, après la sécheresse du rapport continu, et l’amertume des tentatives de rapprochement, comme le café échangé, qui fut trop fort…
Scénario Thomas Stokmans Musique Kees Van der Vooren Interprétation Kees Van der Vooren, Felix Hoogendoorn Production Stokmans Productions
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Medeia, de Jean-Baptiste Coursault, devant les projections de Borderlands
Iris, à bord de sa navette Argo, approche de la station spatiale Medeia après avoir reçu un message du Compartiment 13. Mais que va t-elle y trouver ?
Medeia est une surprenante chronique très courte. Le très proche et le très lointain s’y mêlent ingénieusement, en mêlant le cinéma de genre au réalisme « près de chez vous ». Tout démarre en effet comme dans un film spatial, évoquant tour à tour 2001 l’odyssée de l’espace, Star Wars et Gravity. dans lequel est injectée une (presque) basique livraison alimentaire.
Le jeu avec l’imaginaire du public bat son plein. Le film promet en effet une évasion totale, à mille lieues des préoccupations terrestres et des contingences quotidiennes. L’effet miroir n’en est que plus réussi quand l’esprit est renvoyé à la triviale commande à manger. L’effet à grand spectacle est aussi catapulté par la concrétisation d’une porte qui se referme et par la déshumanisation d’une ubérisation spatiale.
La précision esthétique saisit. Jean-Baptiste Coursault orchestre en maître d’œuvre, à la fois comme scénariste, réalisateur, monteur, étalonneur, modéliste, graphiste, ainsi qu’aux effets spéciaux. Une implication optimale pour l’auteur, qui est aussi aidé par une riche équipe. En ressort une méticulosité à l’image comme au son, jusqu’à au souffle final de la protagoniste.
Scénario Jean-Baptiste Coursault Interprétation Géraldine Lapchin, Jean-François Hoche