Film culte, monument du cinéma français, La maman et la putain de Jean Eustache revient sur les écrans près de 50 ans après dans une version restaurée. Nous vous proposons une séance unique exceptionnelle le lundi 27 juin à 20h. Nous ferons un entracte le temps d’un rafraichissement en raison de sa durée de 3h40 !

LE CONTEXTE
A sa sortie en 1973, La Maman et la Putain fait scandale. En premier lieu au Festival de Cannes où le jury n’est pas d’accord à son sujet et où certains spectateurs huent le film. Il remporte tout de même le Grand Prix Spécial du Jury et partage le prix de la Critique Internationale – FIPRESCI – ex-æquo avec un film qui choquera et marquera lui aussi l’histoire du cinéma La Grande Bouffe de Marco Ferreri.

Il faut dire que le film scandalise en raison de son sujet, de sa manière provocatrice et libérée d’aborder la sexualité, et sa longueur inédite pour un film intimiste, qui suit, trois heures quarante durant, un trio s’interrogeant sur l’amour libre et triangulaire, dans une longue réflexion sur les relations amoureuses dans les années qui ont suivi Mai 68 et ses utopies. Pour le cinéaste Jean-Henri Roger c’était  » un des plus beaux films sur 1968, alors qu’il n’en parle jamais ». Il soulève également d’autres sujets qui posent encore problème à l’époque comme la question de l’avortement.
Pourtant, le financement de ce film sans pareil a été un long chemin de croix pour Jean Eustache, malgré sa reconnaissance par le milieu pour ses documentaires, et sa capacité à proposer des films rentables. Jusqu’en 1972 une taxe s’appliquait sur chaque film au prorata de sa longueur et un film jugé trop long pouvait être interdit, surtout s’il ne s’agissait pas d’une superproduction. La fin de cette taxe a permis à La Maman et la Putain de voir le jour. Le film faisant au départ 5 ou 6h, Eustache a malgré tout dû couper son film, non sans mal. Pour lui, l’univers clos devenait de plus en plus fort avec la durée du film, en faisant entrer les spectateurs dans la vie des personnages pour leur faire oublier leur propre réalité.
Eustache disait qu’il s’agissait du film qu’il détestait le plus, trop proche de sa propre histoire, et de certains de ses plus douloureux souvenirs : « C’est le seul de mes films où le passé ne joue pas. Il correspondait à ma vie au moment même où je tournais, et la recoupait de façon parfois tragique ». Les trois principaux films de fiction d’Eustache sont des autofictions. Mes Petites amoureuses s’inspire de son enfance à Pessac, Le Père Noël à les yeux bleus est au départ une anecdote de son adolescence et La Maman et la Putain, de manière presque contemporaine, revient sur la femme dont il est tombé amoureux lorsqu’il vivait avec une autre. Ces films sont très écrits mais laissent, dans La Maman et la Putain, la place à un décor réaliste, où Paris est filmé de manière documentaire.
Le tournage a duré sept semaines, entre début juin et le mois de juillet 1972. Eustache exigeait de ses acteurs qu’ils respectent son texte à la lettre et il n’y avait qu’une seule prise par scène. Un tournage dans l’urgence, tout comme l’écriture du film, qui fut vécu comme un besoin viscéral par le réalisateur à ce moment de sa vie. Il avait par ailleurs déjà écrit le scénario de son film suivant, Les Petites amoureuses, qu’il avait préféré laisser de côté.
La Maman et la putain est un film devenu culte, par son invisibilité sur grand écran pendant des années en raison de problèmes de droits, des copies pirates de mauvaise qualité circulant sur Internet pour quelques cinéphiles désireux de découvrir le film.

JEAN EUSTACHE
Né en 1938 à Pessac en Gironde, Jean Eustache passe son enfance auprès de sa grand-mère après le divorce de ses parents. Il part ensuite pour Narbonne rejoindre sa mère, passe un CAP d’électricien et se fait embaucher comme ouvrier à la SNCF de Paris.
Cinéphile, il fréquente la Cinémathèque et dès les années 60 côtoie les critiques des Cahiers du cinéma et écrit des critiques. Il collabore avec Paul Vecchiali sur son court-métrage Les Roses de la Vie en tant qu’assistant réalisateur et acteur. Il débute à la réalisation en 1963 avec le film inachevé La Soirée, et travaille surtout en tant que monteur sur le film de Jacques Rivette, Jean Renoir, le patron en 1966 et sur le film Idoles de Marc’O en 1968.
Il réalise ensuite discrètement deux moyens-métrages Du Côté de Robinson et Le Père Noël a les yeux bleus, produit par Jean-Luc Godard et déjà avec Jean-Pierre Léaud. Ces deux films finiront par former un double programme intitulé Les Mauvaises fréquentations. Ce titre est désormais utilisé la plupart du temps pour désigner le premier film de Jean Eustache.
Entre 1968 et 1971 il travaille sur trois documentaires très personnels, le premier La Rosière de Pessac, tourné dans sa ville de naissance, le second Le Cochon et le dernier sur sa grand-mère : Numéro Zéro.
Il sortira ensuite en 1973 son premier long-métrage La Maman et la putain, considéré comme son chef d’œuvre absolu. Il enchainera rapidement le tournage d’un second long-métrage, Mes Petites amoureuses, inspiré de sa propre enfance.
Il reprendra ensuite des courts et moyens-métrages, parfois pour la télévision.
Jean Eustache se suicide en 1981 et laisse une filmographie d’un peu plus d’une dizaine de films en 18 ans de carrière. Considéré comme un auteur majeur de sa génération, de nombreux réalisateurs le citent comme influence, tels Wim Wenders, Michael Haneke, Jane Campion, Gaspar Noé, Noah Baumbach…